Le Milan royal en Aveyron

L’Aveyron, situé au sud du Massif central, peut paraître bien inhospitalier en période hivernale pour la plupart des oiseaux. En effet, en raison des rigueurs climatiques, les animaux ont plus de besoins énergétiques pour lutter contre le froid alors que, dans le même temps, la durée du jour plus courte et l’enneigement prolongé limitent l’accès à la nourriture. De nombreux oiseaux décident alors de passer la mauvaise saison dans des zones d’hivernage beaucoup plus clémentes comme en Afrique ou dans le sud de l’Espagne. Et pourtant, le Milan royal vient volontiers passer l’hiver dans notre département !

Le Milan royal (Milvus milvus) est un rapace diurne d’une envergure de 145 à 165 cm. Il est facilement identifiable grâce à sa longue queue rousse et profondément échancrée, qu’il utilise régulièrement comme gouvernail. La tête est blanchâtre et le plumage brun rouge dessus et roux rayé de brun dessous. Les ailes sont tricolores dessus et on peut observer au-dessous deux tâches blanches, situées au niveau des poignets. Il s’agit de l’une des espèces les plus opportunistes qui soit. Si l’on ajoute à cela des mœurs charognardes très développées, on ne s’étonnera pas de savoir que son régime alimentaire est très diversifié (petits rongeurs, cadavres d’animaux, lézards, amphibiens, poissons malades ou morts…).

Milan royal – T. Vergely

Depuis les années 1990, le Milan royal connaît une chute alarmante de ses effectifs dans plusieurs pays dont la France. Les causes principales de cette chute sont la dégradation des habitats suite à la modification des pratiques agricoles, les destructions illégales (le Milan royal est une espèce protégée par la loi), les collisions avec les éoliennes, les empoisonnements consécutifs aux campagnes de lutte chimique contre les campagnols… Sur ce dernier point, il est intéressant de rappeler que le Milan royal est un piètre chasseur et qu’il capture régulièrement des campagnols, qu’ils soient en bonnes santés ou morts ! Or, les campagnes d’empoisonnement des Campagnols fouisseurs, appelés aussi Rats taupiers, avec des produits chimiques comme la Bromadiolone mettent en péril ce rapace qui s’intoxique à son tour. Il existe des moyens de lutte contre ces campagnols sans avoir à utiliser des produits chimiques : modification des pratiques culturales, accueil des prédateurs, utilisation du piégeage sélectif en début de pullulations…

La moitié de la population mondiale, estimée à seulement 26 500 – 30 700 couples, niche en Allemagne. L’Allemagne, l’Espagne, la France, la Suisse et la Suède abritent environ 85 % de la population mondiale. En ajoutant la Grande-Bretagne et la Pologne, on atteint 95 % de la population totale.

Carte de répartition du Milan royal en 2016 (Aebischer)

La France à elle seule héberge la deuxième population nicheuse après l’Allemagne et la seconde population hivernante après l’Espagne. Après plusieurs déclins successifs, dans les années 1990 puis 2000 pour les plus récents, la population nicheuse française semble aujourd’hui avoir retrouvé une certaine stabilité. L’estimation la plus récente de la population nicheuse (enquête 2008) fait état de 2 700 couples en France. En hiver, les milans royaux se regroupent en dortoirs. Les comptages simultanés des dortoirs hivernaux, organisés chaque année, en janvier, depuis plus de 10 ans, ont permis d’affiner les connaissances sur les effectifs et la répartition de l’espèce en hiver. Plus de 10 000 milans royaux, réunis en 180 à 250 dortoirs, selon les années, hivernent maintenant en France.

Hivernage du Milan royal en France en 2018 (réseau Milan royal)

La LPO Aveyron étudie particulièrement cette espèce depuis le début des années 2000 (suivi de la population hivernante, recensement et suivi des couples nicheurs…). Par exemple, grâce à de nombreux bénévoles de la LPO Aveyron, deux comptages simultanés des dortoirs connus sont organisés chaque hiver depuis l’hiver 2003-2004.  Le graphique ci-dessous présente les résultats des comptages bisannuels en Aveyron.

D’autre part, un suivi de la reproduction est réalisé chaque année sur une zone échantillon de 160 km² : le site Natura 2000 n° FR7312013 des « Gorges de la Truyère ». La recherche des couples nicheurs est effectuée à partir de début mars (recensement par points d’observations) et les nids des couples repérés ont été recherchés de fin mars à fin avril (avant la feuillaison). Chaque couple recensé a été contrôlé pour s’assurer qu’il a entamé une reproduction (couvaison puis comptabilisation du nombre de jeunes 15 jours avant l’envol). Malheureusement, les effectifs sont à la baisse depuis 2011 (cf. graphique ci-dessous).

Enfin, afin de mieux connaître la biologie de cet oiseau, des programmes de baguages et de marquages de Milans royaux existent dans plusieurs pays. L’individualisation des individus est alors réalisable grâce à la couleur des marques et aux inscriptions notées dessus. Lors des observations dans la journée sur les zones d’alimentations ou en soirée sur les dortoirs, il est donc possible d’observer des oiseaux porteurs de marquages sur les ailes. Ces informations sont très intéressantes car elles permettent de connaître, entre autre, l’origine des oiseaux observés. En Aveyron, grâce ces programmes, on sait désormais que des oiseaux nés en Allemagne ou des oiseaux ayant déjà passé un hiver en Espagne fréquentent notre département en hiver. D’autre part, certains oiseaux suisses ou tchèques sont actuellement équipés de balises Argos ce qui permet de les localiser en temps réel.

Milan royal équipé de marques alaires – Romain Riols

Le cousin du Milan royal, le Milan noir (Milvus migrans) est un estivant en France, c’est à dire qu’il se reproduit chez nous au printemps et part passer l’hiver en Afrique tropicale. Néanmoins, des individus sont parfois observés en plein hiver. Par exemple, un adulte est noté les 7 et 14 janvier 2009 au-dessus du centre d’enfouissement technique de Sainte-Radegonde avec des températures avoisinants les -15°C, soit très loin des températures tropicales !